Le quadrilobe est l’un des points d’origine des formes square round que le marché apprécie aujourd’hui. Ce motif ornemental, composé de quatre arcs de cercles disposés symétriquement, est un héritage de l’art gothique… Il refleurit aujourd’hui dans la salle de bains.
Réminiscence des temps anciens, le quadrilobe est construit à partir d’un carré intégrant quatre arcs de cercle identiques qui, appelés lobes, ont pour centre chacun de ses angles. Inscrit dans la mémoire collective, ce motif est un emblème du style gothique flamboyant, visible depuis des siècles au travers de l’architecture, celle des édifices religieux en particulier.

Le quadrilobe encadre également des bas-reliefs. Délimitant une scène, un morceau d’un récit souvent biblique, ces médaillons préfigurent le principe des bulles en bande-dessinée. Servant à mettre en valeur le sujet, il était aussi employé dans les enluminures, la marqueterie de mobilier et des objets d’exception (chasses) ou de culte (reliquaires), la faïence de table, les revêtements (traduisant là aussi l’influence musulmane), les pièces de monnaie ou encore en orfèvrerie (une mode qui perdure par exemple au travers de l’iconique série Alhambra de Van Cleef & Arpels). Ci-dessus : détail d’un panneau, dyptique représentant des Scènes de la vie du Christ, vers 1340-60, MET.
Sa ressemblance avec un trèfle porte-bonheur lui vaut d’être aussi appelé quatre-feuilles, sans grand rapport avec les superstitions qui entourent celui-ci de nos jours. Selon les croyances chrétiennes, ces quatre feuilles pas tout à fait abstraites symbolisent à l’origine plutôt une vertu (l’espoir, la foi, l’amour et la chance) mais aussi les évangélistes (Matthieu, Marc, Luc et Jean) ou, avec ses deux branches qui se croisent en angle droit, une évocation discrète de la croix du Christ.
Les déclinaisons artistiques du quadrilobe étant quasi infinies, l’impact purement visuel a pris le pas sur le sens initial. L’arc, qui s’étire quelquefois en lancette pour mieux évoquer le végétal, ne compte parfois que deux lobes (bilobés) ou trois (triblobé), ou se complexifie au contraire, avec cinq arcs de cercle (quinqualobé), voire plus…
L’un et l’autre, à la fois

Pour rester dans le concret, de fait, mêlant le carré au(x) cercle(s), sa forme particulièrement consensuelle entre dans le giron des énièmes variations du square round, pouvant être associée à un design courbe aussi bien que droit (ce qui évite la valse des hésitations pour le client et facilite l’intégration dans n’importe quel environnement). A la différence de ces géométries en quête d’universalité, aux angles (et au tempérament) adoucis, le quadrilobe affiche cependant des lignes plus structurées, plus marquées, héritées de son passé monumental. Pour se différencier sans s’affranchir complètement de la tendance en somme…
Alors que la salle de bains se pique toujours d’antique avec moult colonnes et autres cannelures, les créations remontent ainsi le temps et les modes, dans un perpétuel mouvement de réappropriation. En filigrane, ces références constituent un substrat qui nourrit l’impulsion créatrice, qu’elles affleurent à la surface d’un miroir, d’une manette de robinetterie ou d’une pomme de douche, se lisent dans les contours d’une vasque, les volutes d’un carrelage… jusqu’aux micro-perforations de la grille d’évacuation d’un receveur de douche.
Photo d’ouverture : produits lancés en 2024 (parement mural Luck, en marbre de Tassos, Petra Antiqua ; douche de tête et robinetterie Ludovica, Gessi ; carrelage FS Barna, Realonda ; faïence San Remo, Opificio ; grille de receveur de douche Arblu) au regard d’un vitrail du XVe siècle (Burrell Collection, WikimediaCommons) et d’un remplage gothique (porche du Peuple, cathédrale Saint-Tugdal, Tréguier, Bretagne, WikimediaCommons).



















