Tout en mouvement, un courant anime actuellement la robinetterie, caractérisé par un design architectural et aérodynamique : une revisite de l’Art déco, style qui fit la traversée d’une rive à l’autre de l’Atlantique, ambassadeur de la modernité dans les années 1920.
Parmi les nouveautés présentées par les robinetiers au cours des derniers salons, les collections aux accents néo-rétro sont légion. Si les rééditions classiques des séries d’antan sont toujours plébiscitées dans les salles de bains, notamment dans l’hôtellerie de luxe pour laquelle l’Art déco incarne un âge d’or, les codes de ce style intemporel évoluent.
Deux tendances émergent, portées par un même élan, une même origine. L’une confère aux mitigeurs des volumes qui ne manquent pas d’allure, inspirés par l’architecture et les grands monuments de l’époque, la verticalité des premiers buildings. L’autre cultive une fascination visible pour la vitesse, traduite en des silhouettes racées qui se projettent vers l’avant, fuselées comme le deviennent alors les moyens de transport, les progrès mécaniques participant à la mutation rapide de la société.
Plus haut !
Tels les vertigineux gratte-ciel de New York, certains mitigeurs s’élèvent volontiers, leur poussée soulignée par des stries plus ou moins fines sur tout (Venti20 de Gessi) ou partie de leur corps, façon pilastres (Le Grand d’Alpi) ou cannelures (Hamptons de THG Paris), ces dernières adressant un clin d’œil à la rigueur de l’Antiquité, elle aussi tendance (Casanova de Stella, série moins récente).

Plus vite !
C’est l’accélération – celle des véhicules comme la course du monde – qui, par ailleurs, semble épouser les lignes de collections, rendant hommage à l’évolution la plus tardive de l’Art déco, qui coïncide avec l’avènement d’un métier, celui de designer industriel. Typiquement nord-américain et décliné dans le moindre objet du quotidien, le courant dit Streamline Modern a perduré jusqu’à la moitié du XXe siècle.


L’Art déco, au cœur du dialogue transatlantique

L’émulation est réciproque. Dès fin du XIXe siècle, l’école des Beaux-Arts de Paris forme des architectes américains et canadiens… et leurs homologues français compteront là-bas parmi les bâtisseurs d’édifices majeurs. Durant la Première Guerre mondiale, les unités de camouflages sont constituées d’artistes-peintres venus des deux continents. A l’Armistice, pour occuper les sammies, surnom des soldats de l’oncle Sam, deux écoles d’art ouvrent successivement, creusets d’échanges et d’amitiés en attendant le retour au pays : l’American Training Center de Meudon et l’Ecole américaine de Fontainebleau, où enseignent conjointement professeurs nord-américains et français. En photo ci-dessus : Angel Zàrraga, France, la rose du monde, huile sur toile, Paris, 1927, résidence de l’ambassadeur du Mexique en France. Exposition Art Déco. France Amérique du Nord (©Cité de l’architecture et du patrimoine, Denys Vinson).
La France, patrie originelle de l’Art déco
En 1925, l’exposition des arts décoratifs et industriels modernes fait sensation : Paris, la « Prophetic City[3] », rayonne. Herbert Hoover, alors secrétaire d’Etat au commerce, y a dépêché une importante délégation qui, à son retour, se fait l’écho des idées de ce style inventif.

A voir :
Art déco. France//Amérique du Nord, exposition du 21 octobre 2022 au 06 mars 2023, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Palais de Chaillot, Paris. Commissariat : Emmanuel Bréon, conservateur en chef, responsable de la galerie des peintures et vitraux ; Bénédicte Mayer, attachée de conservation.
[1] Jacques Perret, à propos du paquebot Île-de-France dans la revue L’Architecture, 1929, cité dans le catalogue de l’exposition Art déco. France//Amérique du Nord, Cité de l’Architecture et du Patrimoine et Norma Editions, 2021.
[2] Corinne Bélier, directrice du musée des Monuments français/département des Collections, catalogue de l’exposition Art déco. France//Amérique du Nord, Cité de l’Architecture et du Patrimoine et Norma Editions, 2021.
[3] Citation d’Edgard Miller, reporter américain.
Photo d’ouverture : Empire State. A History. Illustration pour la couverture d’une brochure publicitaire édité par l’Empire State Building retraçant l’histoire de sa construction (©Cité de l’architecture et du patrimoine / musée des Monuments français), Zephyr de Horus, Art Deco de Volevatch, Ornement de capot de Pontiac, chef indien, 1951 (©WikkiCommons).



















