Bernard Fournier, PDG de Ram Chevilles et Fixations, industriel installé dans la région parisienne, déplore le manque d’intérêt de la distribution sanitaire-chauffage pour ses fabrications, non stratégiques dans ce secteur. Et appelle à la prise en compte des PME nationales, responsables du point de vue environnemental, sociétal, humain… Interview.
Sdbpro – Qui est Ram Chevilles et Fixations ?
Bernard Fournier – Ram, créé en 1951, est un plasturgiste qui conçoit et fabrique à Wissous, dans la région parisienne, des fixations légères pour le bâtiment. Nous produisons près 30 millions de pièces chaque année, à destination exclusive des professionnels, sur deux segments du marché du bâtiment : celui de l’électricité, dont nous sommes l’un des acteurs leaders, et, dans une moindre mesure, celui du sanitaire. Nous salarions une cinquantaine de personnes, mais une centaine supplémentaire dépend de nous, puisque travaillons, pour le conditionnement de nos produits, avec des entreprises d’insertion, de réinsertion, d’apprentissage, tels que des CAT, des ESAT…
Qu’est-ce qui fait que vous êtes mal distribués dans le circuit sanitaire-chauffage ?
Bernard Fournier – A quelques centimes près, nous sommes compétitifs du point de vue du prix. Mais nos produits, qui sont des consommables, ne sont pas stratégiques pour cette distribution, parce qu’ils représentent un chiffre d’affaires invisible dans le bilan global. Donc, peu importe qu’ils soient achetés en Asie ou à des industriels européens qui fabriquent en Asie… La conséquence, c’est que ces quelques centimes supplémentaires finissent par compter, sans que soit pris en considération le surpoids de CO2 d’une fixation venue de Chine…
Parce que vos produits sont des consommables, leur provenance n’aurait pas d’importance ?
Bernard Fournier – Je ne vois pas d’autres raisons. Nos produits sont performants, de qualité, innovants – nous déposons trois brevets par an – et notre force de vente a un rayonnement national. Mais nous ne sommes pas mis en valeur, ni même intégrés aux plans d’offre, qui ne retient en général qu’un seul fabricant dans ces familles de produits. Nous avons le sentiment de ne pas être pris en considération. J’en arrive à penser que les chartes des grandes enseignes de distribution ne sont que des mots…
Qu’en est-il, précisément, des émissions de CO2 ? Vos produits font-ils l’objet de FDES ?
Bernard Fournier – Les FDES sont encore inexistantes concernant nos produits. Mais prenons le cas d’une boîte – en carton – remplies de nos chevilles : l’émission de CO2 est comprise entre 300 et 400 grammes. A comparer aux plus de 4 kg de la même boîte – en plastique – venue d’Asie… En France, nos produits sont les seuls à être Origine France Garantie. Nous sommes classés Ecovadis Or, label qui ne concerne que 5 % des entreprises, parce que nous faisons d’énormes efforts : nos produits sont en plastique recyclé, nos presses hydrauliques sont progressivement remplacées par des presses électriques, nos locaux sont chauffés à l’aide de pompes à chaleur, nos entrepôts sont éclairés par des Leds, etc.
Pourquoi la distribution électrique vous suit-elle et pas la distribution sanitaire ?
Bernard Fournier – Pour le secteur de l’électricité, nous avons des produits quasiment exclusifs. En sanitaire-chauffage, ils sont plus classiques, même s’il y a des exceptions : notre système de fixation de tubes multicouches n’est pas limité aux diamètres 16 et 20, comme c’est le cas des chinois. De même, notre solution Clipeo, brevetée, est rapide à mettre en œuvre, propre et esthétique. De plus, parce qu’on s’est rendu compte que les produits spécifiques impliquaient des changements d’habitudes que tous les professionnels ne sont pas prêts à faire, nous avons sorti la PA, qui nécessite un chevillage habituel. Il y a aussi le Ramclip qui permet de fixer sur le sol un tube, une gaine, etc. Notre offre est la plus complète du marché sur le multicouche.
Et en OEM ? Etes-vous un fournisseur des céramistes, par exemple ?
Bernard Fournier – Oui, mais ce n’est pas plus simple. Prenons par exemple les fixations livrées avec les WC à poser : les trois quarts du temps, elles sont basiques, pas chères. Résultat : l’artisan jette le sachet livré et achète un autre jeu de fixations chez son grossiste… Les céramistes qui se fournissent chez nous ne mettent pas en avant la qualité de leurs fixations. De même, d’ailleurs, que les distributeurs dans leurs rayons : ils ne précisent pas que nos produits sont « made in France ».
Votre marque et ses atouts sont-ils suffisamment connus ?
Bernard Fournier – En tant que PME, nous n’avons pas les moyens d’une multinationale. Nous restons concentrés sur les produits et l’innovation. Mais n’est-ce pas le rôle du distributeur que d’informer et de favoriser les productions nationales, ne serait-ce que pour des raisons environnementales ? Les Italiens le font, les Allemands aussi. En France, cette solidarité nationale n’existe pas, ou peu. Or, c’est elle qui permet aux PME que nous sommes de se renforcer et de grandir.
Mais vous êtes tout de même présents dans le négoce sanitaire-chauffage ?
Bernard Fournier – Oui bien sûr. Chez Algorel, par exemple, dont nous sommes un acteur majeur de notre catégorie, en progression chaque année. Mais globalement, la distribution ne nous laisse pas la place que nous devrions avoir, clairement, alors que les professionnels qui posent nos produits en sont contents, que nous sommes plus réactifs que les gros fabricants. C’est pourquoi je cherche à alerter les dirigeants des grandes enseignes : Ram Chevilles et Fixations fabrique en France des produits qui, même s’ils ne pèsent pas en termes de chiffre d’affaires, sont performants et innovants. Et méritent leur place dans les plans de vente.




























c est très vrai le made in France n est pas favorisé a sa juste valeur, une bataille de tous les jours face a nos concurrents exotiques!