Tout droit venu de la mode, le bambou s’implante dans la salle de bains, opérant un changement de fond, de forme et de terrain. Aux racines de cette nouvelle orientation, un symbole du luxe à l’italienne dans les années 1950-60 : le cultissime sac Gucci Bamboo.
En terre comme dans le décor, le bambou prend partout. Du « simple » motif sur les revêtements muraux ou les vasques (Dinan 38 de Bathco), sa fibre écolo et durable est plébiscitée de bien des façons, à l’égal de son cousin, le rotin. Un festival de cannes qui prend depuis peu une nouvelle (et remarquable) orientation, ajoutant au matériau une note résolument vintage. Ce rhizome-là, plus chic qu’exotique, prend quelque peu ses distances avec l’Asie, nous transportant vers l’Italie des années 1950-60 pour célébrer une époque au charme suranné : la dolce vita.
Habiller et accessoiriser la salle de bains
Dans la même veine que les accessoires de salle de bains en chrome et bambou Guccio de Bertocci [1], c’est cet art de vivre élégant que convoque la collection Jacqueline de Gessi, dévoilée lors de la design week milanaise 2023. Le robinetier transalpin, qui « souhaite exalter son propre parcours » et mettre en avant son savoir-faire, l’associe, au même titre que sa marque, à ces deux mots : Haute Culture. Ce positionnement met d’emblée sur la piste des grandes maisons de couture et revendique une identité hors du commun, aux frontières de l’art et de l’artisanat made in Italy, pour habiller et accessoiriser la salle de bains.
Un tube en bambou
De fait, en utilisant un chaume de bambou (imperméabilisé) en lieu et place du traditionnel bec en laiton, la robinetterie Jacqueline « permet à un matériau naturel d’être utilisé à des fins fonctionnelles et pas seulement esthétiques. » Unique, chaque tige est sélectionnée en fonction de son diamètre et de l’espacement entres ses nœuds, de sorte que, à l’intérieur de cette gaine dont la courbure est obtenue par cintrage à chaud, le passage de l’eau soit assuré. Et ce n’est pas un hasard si le fabricant indique, sans toutefois donner plus de précision, que les poignées ont une similitude avec le design des fermetures de sacs à main…
Empreint d’une certaine nostalgie, ce design et ce matériau rendent en effet hommage à un it bag qui, en plus de soixante-quinze ans d’existence, a marqué l’histoire de la mode (et continue de le faire). Lancé en 1947, le Gucci Bamboo doit son nom à sa anse, cintrée par les flammes avant d’être laquée, ainsi qu’à son fermoir, emblématiques. Au-delà de l’esthétique, ce choix audacieux s’explique : après-guerre, pour pallier la pénurie de cuir, le maroquinier a l’idée d’utiliser ce matériau provenant du Japon, car il a l’avantage de n’être, contrairement à d’autres, soumis à aucun embargo (non sans s’inspirer sans doute des traditionnels paniers nippons en bambou, les Hanakago).
Le cinéma et ses vedettes, dans la vie comme sur grand écran, se chargent de populariser ce sac en forme de selle d’équitation (Gucci est à l’origine un sellier). Après l’avoir porté pour arpenter Naples en famille sous les flashs des paparazzi, Ingrid Bergman accompagne ses débuts sur la pellicule parmi les ruines de Pompéi, dans une scène mythique du film Voyage en Italie (Roberto Rossellini, 1954). Liz Taylor, donnant la réplique à Paul Newman dans La chatte sur un toit brûlant, parfait encore sa légende (Richard Brooks, 1958). Cette année-là, suscitant déjà de nombreuses copies, la maison de couture protège sa création par le dépôt d’un brevet… Jamais démenti, l’incroyable succès se poursuit. L’actrice britannique Vanessa Redgrave l’adopte pour Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1967), puis tour à tour Jacqueline Kennedy, éternelle icône de la jet-set, Lady Diana…, jusqu’au bien-nommé Harry Styles.
Le bambou a ainsi traversé les modes aux bras des stars du moment. Une longévité exemplaire qui, tel un écho à la résistance de ce matériau naturel et renouvelable, lui confère ses lettres de noblesse, y compris dans la salle de bains.
[1] Guccio de Bertocci, design Roberto Ranzi (ADI Ceramics & Bathroom Design Award 2022).
En photo, de gauche à droite : bec et manettes de la robinetterie Jacqueline de Gessi ; porte-serviettes Guccio de Bertocci ; publicité Gucci des années 1950 (archives Gucci) ; Ingrid Bergman, Voyage en Italie, film de Roberto Rossellini, 1954 ; Bamboo Bag de Gucci, vers 1960-1965 (Florence, archives Gucci) ©Wikimediacommons.