Visant à assurer l’autonomie alimentaire des futures missions lunaires ou martiennes, un projet pilote s’apprête à tester la fabrication, dans l’espace, d’une poudre riche en nutriments qui utilisera la miction des astronautes comme source d’azote, afin de fermenter les microbes de l’air et les transformer en protéines.
Dans les systèmes fermés que sont les vaisseaux ou les stations orbitales – et plus encore les projets de base expérimentale sur de lointaines planètes –, il ne s’agit plus de diminuer au maximum la masse de provisions embarquée à bord, mais d’être en capacité de s’auto-ravitailler en continu.
L’urine, ressource stratégique de la conquête cosmique ? Les astronautes la recyclent déjà… pour la boire. Composée à plus de 90 % d’eau, ce déchet organique leur permet, après traitement, d’épancher leur soif. Une conversion sans fin ni pertes que résume de façon amusée Thomas Pesquet : « Le café du jour devient celui du lendemain. » Et ainsi de suite, à l’infini… Avec le développement de ces nouvelles protéines microbiennes consommables, l’utilisation de l’urine ne sera bientôt plus seulement cantonnée à l’hydratation, mais à la nourriture. La perspective de manger des denrées dérivées de déchets humains peut rebuter, mais dans l’espace, pas d’égout ni de dégoût : tout se recycle !
Vers de nouvelles « mictions Apollo »
Si survivre avec des ressources limitées passe par la création d’une chaîne alimentaire fermée, l’urine ne figurera toutefois pas au menu interstellaire : aucun plat ni aliment n’en contiendra directement. Pourtant, ce liquide est en passe de devenir l’une des clés pour assurer la subsistance des vols habités. Il ne s’agit pas de l’utiliser comme un engrais, mais de réaliser la fermentation gazeuse d’une culture bactérienne (Xanthobacter), afin de produire une protéine riche en nutriments. Remplaçant l’ammoniac dans cette recette de chimie high-tech, l’urée servira de source d’azote pour la synthétiser.
Un concept de novel food, façon « Soleil vert »

Convertir l’air en protéines
Dans le cadre de son programme d’exploration vers l’orbite terrestre basse, la Lune et Mars (Terrae Novae), l’Agence spatiale européenne (ESA) finance le projet Hobi-Wan [1] destiné à tester la méthode innovante de Solar Foods dans des conditions de microgravité. Maître d’œuvre du projet, la société allemande OHB System AG commencera par développer un modèle scientifique au sol. Si les huit mois d’essais prévus sont concluants, celui-ci sera ensuite transposé, à bord de la Station spatiale internationale (ISS), « dans un système compact et autonome capable de fonctionner de manière fiable dans l’espace […] en utilisant l’hydrogène, l’oxygène et le CO₂ produits par l’équipage et le système de survie de l’habitat. »
Nécessaire à la production d’un tel superaliment cosmique, l’urine des astronautes pourrait alors faire de l’envie pressante bien plus qu’une nécessité : un besoin vital, clé de la conquête spatiale. Pour que, selon le vœu d’Angélique Van Ombergen, scientifique en chef de l’exploration à l’ESA, « des êtres humains puissent mener à bien des missions de longue durée sur la Lune, ou même un jour se rendre sur Mars.» Un grand pas pour l’humanité ?
[1] Hobi-Wan, de l’anglais Hydrogen Oxidizing Bacteria In Weightlessness As a source of Nutrition.
Photos : Solar Foods.
























