Depuis qu’elle est challengée par la douche, la baignoire tend à devenir un objet de relaxation plus que d’hygiène. Ces deux qualités – objet et relaxation – la rendent particulièrement attrayante au yeux des designers. Parmi eux, Julien Auclair, également ébéniste, dont les projets ont éveillé notre curiosité.
Sdbpro.fr – Pourquoi la baignoire ?
Julien Auclair – Pour ce qu’elle est, et que l’on perçoit immédiatement : un objet irremplaçable de détente, qui apporte chaleur, bien-être… Mais un bien-être sans bulles ni remous. J’aspire à une eau tranquille, à une relaxation douce. La baignoire est un voyage sensuel, un moyen simple d’accéder au confort, à un moment d’intimité privilégié, de recentrage sur soi-même… Par sa forme enveloppante, elle est déjà un cocon protecteur.
Concrètement, qu’est-ce que cela donne ?
Julien Auclair – Avec la baignoire San Giuliano (ci-contre), à débordement, la cuve angulaire en noyer et chêne brûlé disparaît au profit d’une surface d’eau plane, miroir, comme dans une piscine. Grâce à ce ruissellement perpétuel, qui fonctionne avec une pompe, un réchauffeur…, la forme s’efface au profit de la sensation de bien-être.
Ta.Mago, ni douche ni baignoire (ci-contre), fait le compromis entre l’une, rapide et économe, et l’autre, relaxante mais gourmande en eau et en espace. A inclinaison faible, c’est une sorte d’assise confortable, dotée d’un repose-pied, peu encombrante et rapidement remplie. Là encore, on peut intégrer un réchauffeur d’eau, un système léger de filtration…
Avec Boreal (ci-dessus en ouverture et ci-contre), c’est la transparence de l’acrylique associée à l’opacité du bois qui intrigue. Les vasques, lavabos totems et baignoires sont à la fois discrets (par la transparence) et forts (par le bois). Cette opposition est un autre moyen d’escamoter l’objet pour mettre en valeur son caractère relaxant.
La baignoire Loopy (ci-dessous) met en œuvre les mêmes matériaux, évoquant une sculpture usée et travaillée par le temps. L’acrylique transparent en redessine les contours afin de lui rendre sa forme originelle, qui est intemporelle.
Votre travail sur les matériaux est singulier…
Julien Auclair – J’aime travailler les opposés, l’opaque/transparent, le bois/plastique, les matières naturelles/synthétiques… Par exemple, l’acrylique transparent et le bois dense et vivant, et aussi contemporain. Chaque essence à ses caractéristiques mécaniques et sa façon d’être façonnée. Je cherche à mêler l’émotion artistique, grâce à l’artisanat, au travail de la main, avec la technologie, qui repousse les limites de la création.
Quelle est votre vision de la salle de bains de demain ?
Julien Auclair – Les technologies (IO, IA, IoT) vont la disrupter et nous permettront à terme, en appuyant sur un bouton (ou par reconnaissance faciale), de lancer des scénarios personnalisés (éclairage, musique, température de l’eau, forces des jets…) en fonction du moment : matin, soir, week-end… Mais avec ces intelligences, on risque de passer à côté de quelque chose d’important, que j’appelle l’IE ou intelligence émotionnelle. Parce que le moment arrive toujours où l’on a besoin de se reconnecter avec soi-même, la sensualité. Plus que d’extra confort, d’opulence luxurieuse, je crois que l’on a besoin d’authenticité, d’être émerveillé. C’est le sens de mon travail, qui consiste à imaginer des objets susceptibles de créer un lien émotionnel avec ceux qui les utilisent. Je cherche à donner du sens à la matière.
A ce stade, où en êtes-vous de vos projets ?
Julien Auclair – Mes créations suscitent de l’intérêt, mais je suis conscient qu’elles s’inscrivent dans un nouveau paradigme. Aujourd’hui, je cherche à définir un principe constructif et à réaliser un prototype en travaillant avec des industriels de la plasturgie, des résines, du bois, du CNC (numerical control)… Il me faut sensibiliser et convaincre que des solutions industrielles existent, qui sont économiquement adaptées. Je lance donc une invitation à échanger et partager.