De moins en moins foisonnant, l’univers du revêtement s’uniformise, avec des propositions qui ne se distinguent pas par leur originalité, mais par leur qualité d’exécution, dont la perception devient de plus en plus subtile. Si le Cersaie 2025 acte selon nous l’effacement de la fantaisie et des ornements, ce glissement pourrait bien remettre le showroom – où l’on peut voir et toucher les carreaux – au centre de l’échiquier.
Cette nette évolution du décor vers le minimalisme n’est pas silencieuse. Au-delà des lentes mutations esthétiques observées en architecture intérieure, elle dit sans doute le renoncement actuel à une prise de risques. Conjuguée à la flambée des prix du gaz, la récession qui affecte et fragilise le secteur conduit d’évidence les fabricants européens de carrelage à faire des choix mesurés et à tendre vers une économie manifeste de motifs. Quand les chantiers se raréfient, les collections sont calibrées pour séduire le plus grand nombre…
Des motifs qui parlent d’eux-mêmes
Exit donc les ornements qui portent d’ordinaire la nouveauté ou les styles, et sont des éléments narratifs capables de rendre visuellement palpable telle ou telle tendance… Le revêtement se concentre sur des valeurs intemporelles, plus fondamentales que formelles. Il n’est d’ailleurs pas illogique que les seuls motifs à subsister aient une dimension historique, voire traditionnelle, avec de nombreuses revisites des inoxydables carreaux de ciment, zelliges, azulejos…
Atone, le monde est stone
La pierre naturelle, par excellence intemporelle, s’impose comme LA source d’inspiration – et de respiration économique – du revêtement carrelé. Pas un stand qui ne valorise, par exemple, la beauté éternelle du marbre, sous toutes ses formes et en perpétuel changement, poursuivant sa quête de vraisemblance et de modernité. Car cette valeur sûre n’a rien de passéiste. Elle incarne les dernières avancées technologiques, avec des surfaces qui travaillent comme jamais la justesse et la densité des tonalités, la profondeur étant aussi servie par des reliefs désormais en mesure d’imiter sans caricaturer les effets de matière, de textures… A ce jeu, les micro reliefs sont aussi légion sur bien des stands, animant les surfaces de façon légère, dessinant des géométries abstraites, à peine lisibles, qui sont en quelque sorte des ersatz de motifs ; des traces.
Explorer ce qui s’expose
Pour autant, il serait absurde d’affirmer qu’aucune nouveauté n’émerge de la grand-messe des tendances qu’est le salon de Bologne. Mais leur traque exige davantage de sagacité, les différences entre les produits sont devenues subtiles, alors qu’elles permettent normalement de sortir du lot autrement que par le positionnement tarifaire. Même doté d’une bonne mémoire photographique – celle du smartphone –, un œil expert n’y suffit plus. Sans le toucher, le rendu des grandes dalles minérales échappe, aussi sensoriel que visuel.
Comment faire impression ?
Le marketing a beau brandir l’argument d’un relief en 3D, voire surenchérir avec une soit-disant 5D, comment le restituer sur une photo ? Ce que l’on observe se réduit difficilement à de simples mots, dans une description qui, d’ailleurs, ne serait guère exclusive.
Dès lors, face à cette déclinaison répétitive des collections, alors que la véritable distinction est ailleurs – dans la qualité d’exécution et d’impression –, qu’est-ce qui permet aux fabricants de se démarquer aux yeux du consommateur ? Le showroom, qui s’affirme comme le lieu stratégique de la découverte, à l’instar des salons… en opposition à Internet et l’e-commerce.
Un élément moteur du projet
Certes, ce n’est pas la première fois que l’on observe ce genre de lame de fond, unifiante. Maintes déferlantes se sont déjà produites : le bois, le gris béton passe-partout, mais aussi, a contrario et sans doute ad nauseam, la végétation exotique… Mais la quasi-disparition (à de rares exceptions près) du motif interpelle, fusse-t-elle une réaction aux outrances de cette récente tendance jungle.
Le carrelage pourrait-il perdre son statut d’élément décoratif, dont le choix prime encore sur l’achat des équipements dans la plupart des projets de salle de bains ? Cette uniformisation pourrait-elle le défaire de son rôle d’acteur pour le cantonner à celui de toile de fond dépersonnalisée où tout se ressemblerait faussement… mis à part le prix. Un prix qui tire le marché vers le bas et invisibilise les savoir-faire de chacun.
Photo : ©Cersaie 2025.
















