Communiqués à l’occasion de la 40e édition du salon Cevisama par l’Ascer, l’association espagnole des fabricants de carreaux de céramique, les chiffres pour 2023, « année marquée par une crise de la demande généralisée sur les marchés », ne sont pas une surprise. L’Espagne est le premier producteur européen et la France son premier débouché à l’export.
En Espagne, le secteur du carrelage a vu sa production baisser de -21,2 % en 2023, s’établissant à 394 millions de m², largement sous la barre des 500 millions de m² de 2022, volume qui accusait déjà une rétractation à hauteur de -15 % par rapport à l’année précédente. En 2023, les ventes totales ont ainsi perdu -14,3 % (4 864 millions d’euros versus 5 538 millions d’euros) tandis que l’export s’est contracté, dans une proportion comparable, de -16,6 % (3 564 millions d’euros versus 4 273).
La France, premier débouché en UE
A l’échelle mondiale, sur les 189 pays dans lesquels la céramique espagnole est commercialisée, la France n’est pas loin de retrouver son statut de premier importateur, au coude à coude avec le leader que sont les Etats-Unis (455,2 millions d’euros versus 456,1). Entre ces marchés qui à eux deux pèsent presque autant que les huit autres du Top 10 établi par l’Ascer, l’écart relevé en 2022 (482,5 millions d’euros versus 516,1) s’est contracté, moins d’un million d’euros les séparant à l’heure actuelle.
Au niveau européen, l’Hexagone demeure donc le premier débouché naturel après le marché domestique, lequel compte pour un quart des ventes totales, en chute de -7 % par rapport à 2022. En valeur, l’UE représente 53,2 % des exportations, et sa part monte à 57 % en intégrant l’Espagne.
L’ensemble des 189 pays est en décrochage, y compris les Etats-Unis (456,1 millions d’euros versus 516,1) et la France (455,2 millions d’euros versus 482,5). Plombée par l’inflation, les coûts de l’énergie et la hausse des taux d’intérêt, la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas, la croissance mondiale (et en particulier celle de la zone euro) est en berne, alors qu’en comparaison les perspectives économiques outre-Atlantique sont bien meilleures, en particulier sur le front de l’emploi.
Des défenseurs de la position de la céramique espagnole
Dans ce contexte, Israël (118,2 millions d’euros versus 194,8, -39,3 %) rétrograde fortement, du quatrième au septième rang du Top 10 des marchés à l’export, dont l’ordre (mais pas ses acteurs) s’en trouve bousculé, hormis la troisième marche en valeur où l’on retrouve le Royaume-Uni (208,2 millions d’euros versus 255,6, -18,5 %) et la dernière, tenue par la Belgique (80,4 millions d’euros versus 103,7, -22,4 %). L’Italie (184,9 millions d’euros versus 194,2, -4,8 %) remonte en 4° place, suivie de l’Allemagne (140,6 M€ vs 171,6 M€, – 18,1%), puis du Maroc (118,9 millions d’euros versus 134,4 M€, -11,5 %), d’Israël (aux valeurs désormais voisines), du Portugal (112,9 millions d’euros versus 117,3, -3,7 %) et de l’Arabie saoudite, dont le marché accuse une régression presque aussi marquée que celle d’Israël (87,1 millions d’euros versus 142,1, -38,7 %). Des marchés qui « apprécient la valeur ajoutée de la céramique espagnole, mais au cours de cette année, ont été très marqués par l’inflation et le frein qui en résulte sur leurs marchés de la construction » selon Vicente Nomdedeu Lluesma, président de l’Ascer.
L’iniquité des règles
En plus de la contraction cyclique, la concurrence de pays tiers rebat d’autres cartes. Sur l’échiquier international, l’Espagne s’est fait doubler par l’Inde, que talonne la Chine. Si l’Espagne peut, juste devant sa rivale transalpine, revendiquer sa position de premier producteur de carrelage en Europe, cette dernière pèse actuellement 8,4 % de la production mondiale… dont elle détenait le leadership il y a encore dix ans.
Alors que l’UE a fait de la durabilité, sociale et environnementale, un enjeu encadré par des normes nécessairement contraignantes, les règles du commerce ne s’appliquent pas partout. Non sans ironie, Vicente Nomdedeu Lluesma dénonce le fait que l’on puisse « acheter des produits à forte émission de carbone mais pas les produire ». Pour faire jeu égal, il faudrait exiger des fournisseurs extra-communautaires les mêmes engagements.
Et d’expliquer que d’autres disparités se font jour au sein même de l’UE, sur le plan des aides accordées à un secteur touché de plein fouet par la flambée des coûts, des matières premières à l’énergie… dont les contrats à tarif « protégé » sont, dit-il, encore en vigueur en 2024 : quid au-delà ? A l’appui, il donne en exemple le traitement dont bénéficie l’Italie, « concurrent direct, mais partenaire dans la lutte ensemble à Bruxelles ». Alors qu’une enveloppe de 600 millions d’euros d’aide publique aurait selon lui été octroyée aux fabricants italiens de céramique depuis 2022, les espagnols ont dû se contenter de presque huit fois moins, avec une aide plafonnée à 80 millions d’euros.
Défendre un secteur, des emplois et un savoir-faire européen
Les ventes suivant les mêmes tendances début 2024, la chute de l’emploi (-12 %) devrait inévitablement se poursuivre en Espagne, faisant craindre « des décisions drastiques et douloureuses ». Pour défendre ses produits et l’enracinement local, l’Ascer explique vouloir miser sur « le capital humain et la durabilité sociale », en favorisant le transfert de technologie auprès des nouvelles générations (dans les écoles d’archi, auprès des poseurs, par le biais de séminaires entre prescripteurs et distributeurs…) et par la formation continue, en équipe, sur les foires et salons, via des publications… : « sans formation, pas d’innovation, levier d’amélioration le plus sûr », à déployer dans trois axes : le design, le développement de stratégies concurrentielles et l’adaptation aux évolutions du marché.
Source : conférence de presse internationale organisée par l’Ascer avec le soutien d’ICEX Spain Export and Investment, le mardi 27 février 2024, lors du Cevisama 2024.