S’il est un produit qui se généralise dans les catalogues, c’est bien le bâti-support. Alors que la plupart des marques de la salle de bains déploient leur offre, une question se pose : cette recrudescence de produits est-elle susceptible de changer la structure du marché ou, pour le dire clairement, de faire perdre des plumes au leader ?
Alca, Alterna (Cedeo), Aquance (Tereva), Clara, Conel (Espace-Aubade), Duravit, Domao (Algorel), Geberit, Grohe, Hansgrohe, Ideal Standard/Porcher, Fluidmaster (Schwab, Wisa, Liv), Godart Distribution, Kramer, Jacob Delafon, Laufen/Roca, Nicoll, Oli/Regiplast, Presto, Roca/Sanit, Rolf (Ayor), Sanindusa, Sensea (Leroy Merlin), Siamp, Siko (Livea), Tece, Valsir, Viega, Villeroy & Boch, VitrA, Wirquin…
Les offres de bâti-supports se sont multipliées au cours des dernières années, le plus souvent issues de marques qui ne les fabriquent pas. Sur un secteur du bâtiment en crise, le résultat ne s’est pas fait attendre : les prix sont en baisse.
D’un segment du marché à l’autre
Mais soyons précis. Tout dépend du segment de marché dont on parle, diffus ou chantier. Sur le premier, réalisé pour ses deux tiers par le négoce et un tiers par la GSB et l’e-commerce (pure players), Geberit règne en maître et n’a rien lâché du point de vue des tarifs. Il est suivi, dans le désordre sans doute [1], par Grohe (négoce, GSB), Alterna (Cedeo), mais aussi Tece (négoce), Siamp (OEM, négoce, pure players) et par toutes les marques que l’on connait, dont celles des céramistes et des distributeurs.
Et il y a le chantier, où Geberit et Siamp seraient au coude à coude, le premier porté par sa notoriété, le deuxième jouant sur les prix, comme tous ceux qui, sur cette portion du marché pesant 20 à 30 % des volumes, se pressent également : Nicoll, Oli/Regiplast, Wirquin…
Etre ou ne pas être un fabricant
Les prix, donc. Orientés à la baisse dès 2024 sur le segment du chantier, ils seraient actuellement compris entre 85 et 95 euros (prix facial) hors plaque de commande, si l’on met de côté les offres ponctuelles qui, à 70-75 euros y compris la plaque, laissent perplexes la plupart des acteurs tant elles s’approchent du prix de revient d’une fabrication en Europe, voire en Chine. Notons que, plus que la majorité des produits de salle de bains, le bâti-support engage l’installateur, notamment du fait des pièces détachées : c’est pourquoi l’import, asiatique ou pas, doit être porté par une marque réputée pour se vendre. C’est une autre des raisons pour lesquelles le marché reste bloqué.
Si elle n’a rien d’étonnant, cette baisse des prix dont chacun use – sauf le leader – est un piège s’agissant du bâti-support. D’une part parce qu’elle catégorise mécaniquement sur la part du marché la moins rémunératrice, donc la moins durablement tenable pour qui sous-traite la production, distributeurs compris ; d’autre part, parce qu’elle bloque les produits sous MDD, qui sont censés être moins chers que ceux des industriels.
Car les marges – de manœuvre et financières – sont proportionnelles à la fraction du bâti-support qui est réellement fabriquée par la marque : des pièces plastiques et leurs moules (réservoir, mécanismes, canalisations…) jusqu’aux composants métalliques (robinet de chasse, raccords…), dont le châssis, que seuls deux acteurs – selon nous – sont réputés fabriquer : Geberit et Alca. Etre plus approvisionneur que fabricant, c’est-à-dire assembler des éléments sourcés ici et là, amenuise singulièrement ces marges, chaque fournisseur devant évidemment réaliser la sienne. En revanche, produire l’ensemble du bâti permet non seulement d’ajuster ses prix sans risque, mais aussi d’adapter sa fabrication. C’est un atout pour faire face au leader pour peu que l’on possède, bien sûr, un produit à la hauteur du sien.
De même, être un multispécialiste qui fabrique et/ou commercialise plusieurs familles de produits, voire tout un écosystème dont le bâti-support, captif, serait le centre, permet d’avoir recours à un levier efficace : les remises arrières. Sachant que la céramique n’y suffit pas, qui sert essentiellement à faire des packs complets, achetés avant tout par les consommateurs en GSB et en ligne.
Dans la cour du grand
A l’inverse, maintenir des niveaux de prix raisonnables vous propulse naturellement dans la cour du grand, sur le segment du marché – le diffus – le plus valorisant (dans tous les sens du terme), où les arguments sont techniques (facilité de pose), de service (garantie, mise à disposition des pièces de rechange…) et esthétiques (matériaux, design et fonctionnalité de la plaque de commande). Le plus valorisant, mais aussi le plus complexe.
En effet, la majorité des installateurs tiennent à « leur » Geberit, parce qu’ils le connaissent, ont confiance en lui – le bâti-support reste un produit à risque à leurs yeux – et, il faut bien le dire, leur simplifie la vie. Il appartient d’ailleurs à la courte liste de ceux dont ils connaissent par cœur la référence et le prix public, le même partout, et sont prêts à changer de distributeur s’il venait à dépasser la valeur habituelle. Au tarif pratiqué, compte tenu des remises habituelles, les distributeurs estiment, eux, ne pas gagner leur vie, même si le produit est pré-vendu, même si la marge arrière vient en complément, même si le bâti est la première pièce d’un ensemble qui contient aussi une cuvette éventuellement carénée, un habillage, une plaque de commande design… Donc un produit stratégique car susceptible de générer de la valeur.
Déstabiliser le leader
Dans ce contexte, les challengers peuvent-ils exister sur le marché français autrement qu’en cassant les prix ? Les installateurs pourraient-ils se laisser convaincre de changer de produit ? Sans doute. A condition de leur faire la démonstration, bâti en main, qu’ils n’ont rien à y perdre, de les convaincre un à un, en les rencontrant chez eux ou chez leurs distributeurs. Ce qui a un coût que cette récente baisse des prix n’aide pas à financer, réduisant les chances de chaque compétiteur de gagner des parts de marché face à un leader qui, selon eux, absorberait 50 à 70 % des volumes en France. Seul un véritable fabricant serait en mesure, s’il déployait cette stratégie de proximité avec les professionnels, de bousculer le marché, du moins tant que ceux-ci demeureront les principaux prescripteurs du bâti-support et, dès lors, le passage obligé d’un développement réel et pérenne.
Le tchèque Alca pourrait être cet industriel, notamment parce qu’il est doté d’une usine ultra moderne et maintient une fabrication totalement intégrée, et qu’il a récemment déclaré vouloir conquérir les marchés français et allemand pour assurer sa croissance [2]. L’avenir nous dira s’il y est parvenu.
[1] Les déstockages/restockages des dernières années rendent difficiles l’évaluation des parts de marché de ses acteurs. Nous ne nous y risquons pas.
[2] Sources : Forbes – Youtube.
Photo : Hôtel des Salines, Arc-en-Senans (©Sdbpro).
























