Dans un article daté du mois d’avril 2021, qui présentait les FDES, ou Fiches de déclaration environnementale et sanitaire, introduites par la RE2020 afin de réduire l’impact carbone des bâtiments neufs, nous nous demandions si celles-ci pouvaient, à terme, transformer nos salles de bains. La réponse est oui. En neuf points et avec un exemple de produit – le bâti-support –, voici comment.
1. A quoi servent les FDES ?
Les FDES ont pour vocation de mesurer l’impact environnemental des bâtiments, notamment via leur poids carbone qui est évalué en additionnant celui des produits et matériaux qui le composent ou y sont installés de façon durable. Elles constituent une carte d’identité environnementale, considérant les cycles de vie, « du berceau à la tombe », soit la production, le transport, la mise en œuvre, l’utilisation/vie en œuvre et la fin de vie/déconstruction. Les FDES précisent la fonction et le périmètre d’utilisation de chaque produit ou matériau – sous l’intitulé Unité fonctionnelle – et déclinent une trentaine de critères, qui caractérisent l’impact sur l’air, sur l’eau… Elles sont remplies selon la norme NF EN 15804 [1], puis vérifiées par un spécialiste. Un calculateur compile ensuite toutes les FDES de l’ouvrage et détermine ainsi son poids carbone, qui doit s’inscrire dans une limite fixée par les pouvoirs publics. A noter, en 2025, puis tous les trois ans, cette limite sera relevée.
2. Les FDES sont-elles obligatoires ?
Non, les FDES relèvent du domaine volontaire. Néanmoins, elles sont de plus en plus souvent réclamées, voire exigées par les promoteurs et BET. Les industriels peuvent utiliser d’une part les FDES collectives créées par les organisations professionnelles [2] lorsqu’ils ont participé à leur élaboration, sachant qu’elles établissent une moyenne entre les produits étudiés, les moins vertueux pénalisant les plus vertueux ; d’autre part les fiches DED, ou Données environnementales par défaut qui, élaborées et publiées par les ministères concernés, sont délibérément défavorables, « sévérisées » d’au moins 30 % et jusqu’à 100 %, afin d’inciter à la production de FDES individuelles ou collectives.
Ainsi, si l’on considère le bâti-support, l’impact carbone est multiplié par deux sur la fiche DED par rapport à la FDES de Geberit.
3. Tous les fabricants ont-ils des FDES individuelles ?
Non, tous les fabricants n’ont pas de FDES individuelles, dont l’élaboration nécessite d’importants moyens humains pour collecter les données des composants de chaque produit. A ce titre, les petits fabricants, PME… sont défavorisés par rapport aux multinationales du sanitaire, et il n’est pas exclu qu’ils ne puissent présenter que des fiches par défaut (à moins de s’attacher à une organisation professionnelle et de participer aux FDES collectives ou d’utiliser un configurateur de FDES individuelles, comme le propose l’Afisb).
Pour exemple, seuls deux fabricants de bâti-supports ont (à ce jour) publié des FDES individuelles : Geberit et Nicoll. Etant donné qu’il n’en existe pas de collective pour ce produit, toutes les autres marques sont associées à la fiche DED établie par les pouvoirs publics.
4. Les FDES permettent-elles de comparer les produits entre eux ?
Oui, un produit peut être comparé à un autre via sa FDES, rapidement s’ils sont équivalents – deux bâti-supports de marques différentes par exemple –, plus laborieusement si l’on cherche à savoir si le WC sur pied est plus ou moins vertueux que le bâti-support. Le bureau d’études ou l’architecte doit alors superposer les FDES de chaque produit composant la solution : d’un côté le WC sur pied, son abattant et son réservoir équipé, de l’autre le bâti-support, son réservoir équipé et son habillage, ainsi que la cuvette suspendue et son abattant. Ces données sont établies pour optimiser les impacts environnementaux à l’échelle du bâtiment (ACV Bâtiment) et ne sont pas toujours pertinentes pour une comparaison à l’échelle du produit.
5. Et si un même produit est fabriqué dans plusieurs usines dont l’impact environnemental est différent ?
L’industriel doit alors faire des choix. Celui de générer autant de fiches qu’il a de sites de production ou bien une seule, plus pénalisante puisqu’elle devra prendre en compte le moins vertueux. Plus le taux de carbone admis va diminuer (tous les 3 ans, donc) et plus le nombre de FDES individuelles disponibles va croître, plus ce genre d’écarts va compter. Les constructeurs seront également amenés à faire des arbitrages entre le prix du produit et le taux de carbone qu’il émet.
6. Quels sont les données à prendre en compte en priorité dans les FDES ?
Les FDES sont riches d’information (émissions de polluants dans l’eau ou l’air, de fibres et de particules, utilisations de matériaux dangereux…). Elles indiquent également le nombre de kilomètres parcourus par le produit, voire son lieu de fabrication (en Europe ou hors Europe). Mais deux impacts environnementaux doivent être scrutés, qui sont d’ailleurs ceux pris en compte par le calculateur : le Réchauffement climatique, mesuré en kg CO2 équivalent par UF (unité fonctionnelle), et la Durée de vie moyenne du produit (attestée par le vérificateur, compte tenu de l’usage, de la disponibilité des pièces détachées…), sachant que si celle-ci est de 25 ans, il faudra le remplacer une fois durant le cycle de vie du bâtiment (estimé à 50 ans), soit une production de carbone multipliée par deux.
7. Quel est l’impact du transport sur les FDES ?
C’est le mix énergétique de production – il dépend du fournisseur d’énergie – qui pèse le plus aujourd’hui, en particulier sur les produits qui, telle la céramique sanitaire, doivent passer dans un four (à gaz). Le transport, donc l’incidence du lieu de production, vient ensuite. L’incidence pour les entreprises ayant réellement verdi leurs processus de fabrication ou produisant en Europe est donc réelle… Précisons que les groupements au sein d’une FDES collective sont encadrés par la norme [2]. Ainsi, un produit fabriqué en Chine ne peut côtoyer son équivalent qui sort d’une usine française ou européenne (le ou les produits qui ont permis d’élaborer les FDES collectives ou les DED sont mentionnés, ainsi que leur(s) fabricant(s)).
8. Les FDES pourraient-elles changer la manière d’acheter ou de vendre ?
A terme, sans aucun doute. Aujourd’hui, dans le neuf, la sélection des produits se fait la plupart du temps sur la base du prix. Mais le carbone émis va évidemment prendre de l’importance. A ce titre, on ne peut pas exclure que, dans un avenir proche, les produits les mieux classés soient réservés à la construction neuve et que les moins vertueux aillent plutôt vers les ventes en diffus où rien n’est exigé, que l’on soit industriel, importateur ou metteur sur le marché.
9. Où peut-on trouver les FDES ?
Une fois validées par un vérificateur (agréé), les FDES, individuelles, collectives ou DED, sont accessibles sur le site Inies.fr, qui réunit les données environnementales et sanitaires des produits et équipements de la construction.
En suivant ces liens, vous trouverez d’une part la FDES individuelle du bâti-support Sigma 12 de Geberit, d’autre part la DED mise à disposition par les pouvoirs publics [3].
[1] L’Afisb, association des industriels de la salle de bains, a produit des FDES collectives. De même que Veolis, pour les fabricants de robinetterie.
[2] Norme NF EN 15804+A2, Contribution des ouvrages de construction au développement durable – Déclarations environnementales sur les produits – Règles régissant les catégories de produits de construction. Et son complément national NF EN 15804+A2/CN (méthode et format de déclaration des informations environnementales et sanitaires).
[3] Pour bien lire ces fiches, notez que les chiffres sont écrits de manière scientifique. Donc, le +1 ou +2 (ou -1 ou -2) qui suit les valeurs indique où se place la virgule, vers la droite s’agissant d’un «+» ou vers la gauche s’agissant d’un «-». Exemples : le poids de carbone produit par le bâti-support Geberit, donné sous l’intitulé Total du cycle de vie, est de 5,31+01, soit 53,1 kg, et celle du bâti-support générique (DED) est de 1,17+02, soit 117 kg.
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