Le travertin revient, avec ses harmonies doucereuses. On le pensait moribond, plombé par une image désuète, le revoilà qui joue les trames de fond en décoration… jusque dans la salle de bains, où son aspect piqueté se déploie, des revêtements aux équipements sanitaires, en pierre naturelle et autres matériaux caméléons.
Résistant (le Colisée et un certain nombre d’arcs de triomphe en témoignent), le travertin a longtemps servi à édifier les plus prestigieux bâtiments et figer la beauté des statues pour l’éternité. L’étymologie du mot confirme ses origines latines : au sens premier, la lapis Tiburtinus est une « pierre de Tibur ». Rebaptisé Tivoli, l’ancien lieu de villégiature de l’empereur Hadrien ou du cardinal d’Este possède des carrières dont le filon est exploité depuis l’Antiquité. De quoi fournir Rome, distante d’une trentaine de kilomètres, en matériau de parement et de construction… De nos jours, les plus importants gisements sont turcs.
Le travertin n’est pas un marbre, à la densité très nettement supérieure, mais une roche sédimentaire dont la formation est conditionnée à l’émergence d’une source, notamment pétrifiante. Par un processus physico-chimique complexe, l’eau douce engendre un phénomène de cristallisation et l’apparition des petites cavités qui caractérisent la surface, persillée.
Des défauts qui font sa qualité
Contrairement au marbre, le travertin n’est pas parcouru de veines, mais de micro-perforations. Et ces petits accidents constituent l’une des raisons de son retour. Visuellement, le léger relief en creux formé par ces érosions naturelles apporte de la modernité, un aspect brut, presque vieilli, aujourd’hui recherché pour son esthétique et sa dimension tactile. Fini le dallage ultra brillant, typique années 1970, dont le travertin casse l’image. En quête de réalisme, les carreaux en grès cérame privilégient désormais un traitement de surface dit « lappato » : partiellement poli, celui-ci met en valeur sa structure 3D granuleuse, la matité faisant ressortir la matière, par contraste.
Chic sans être froid
Sa palette de couleurs majoritairement neutres, des dégradés de beige crémeux tirant timidement vers le jaune et l’ambre, a aussi plaidé en faveur de la renaissance du travertin. Moins clinique, plus rustique et d’une certaine façon plus humble que le marbre, il réchauffe le décor sans prendre l’ascendant, dans une approche singulière, mais minimaliste. A l’exclusion notable du travertin rouge en provenance d’Iran ou d’Espagne, qui n’a rien de timide mais demeure exceptionnel, dans tous les sens du terme. Ci-dessus : The-Top, Travertino rouge de Marazzi – Travertino Rosso Vein Cut de Ital Graniti.
Alors que les marbres (et autres onyx tape-à-l’œil) hissent de plus en plus haut les couleurs, le travertin séduit au contraire par sa relative neutralité et sa simplicité. Il incarne le luxe tranquille, d’une élégance tout sauf bling-bling. Ses nuances douces, terreuses, invitent à créer des cocons chaleureux, enveloppants. Mais sol et/ou murs se déclinent aussi dans une palette légèrement plus soutenue, avec des gris (parfois bleutés) et des bruns. Rarement foncés, ceux-ci peuvent être travaillés par strates, figurant des rayures aux transitions floues.
Du décor au design
Suivant la tendance observée préalablement dans le carrelage, la salle de bains adopte ces effets domptés. Le travertin ne se contente plus d’habiller la pièce. Désormais, il l’équipe. Notons au passage que les fabricants de très grands formats de carrelage sont de plus en plus nombreux à proposer des plaques destinées à parer un point d’eau ou un tablier de baignoire, voire des points d’eau finis… pour un coordonné parfait (et impossible à varianter).
Preuve de l’essor de ce matériau monumental (et de ses déclinaisons en tant que motif), le salon de Milan 2024, off compris, fourmillait de baignoires, vasques à poser, totems, plans de toilette ou façades de meubles « en » travertin… En remettant à l’honneur une pierre séculaire qui a traversé les modes, ces propositions nouvelles cultivent l’héritage antique, entre tradition et modernité. Ci-dessus : meuble et vasque Craft de Agape (design Benedini Associati) ; totem, baignoire et receveur Splash de I Conci ; robinetterie et totem Sixty de CEA ; vasque Des de Cerasa ; baignoire Blessed de Kreoo (design Christophe Pillet).
Photos d’ouverture : carrelage Cocoon Travertino de La Faenza ; réalisation Travertini Paradiso ; carrelage Pietra Tiburtina de Casal Grande Padana.