Pour le consommateur, la rénovation de la salle de bains commence par le meuble-vasque. Dès lors, la grande distribution ameublement – notamment Ikea – est bien placée pour augmenter sa part du marché, d’autant qu’elle est au point sur la vente en ligne, qui est en expansion, et connaît le consommateur mieux que quiconque. Voici le troisième volet de notre dossier dédié au commerce des produits sanitaires.
Si la salle de bains moderne n’a guère changé depuis son avènement, elle n’est pas non plus tout à fait la même. En se substituant au lavabo sur colonne, le meuble-vasque en est devenu la pièce maîtresse et, pour le particulier, la clé d’entrée dans son projet de rénovation (avec le carrelage). Il est vrai qu’entre autres évolutions, celle du soin du corps, que l’on ignore en général, n’est pas la moindre, matérialisée par l’essor des produits de toilette et de beauté.
Un irrépressible besoin de rangement
Ainsi, entre 2010 et 2022, ce marché a augmenté de +57 %. En croissance systématique depuis 20 ans (sauf en 2020, année Covid), il aurait pesé, en 2024, 22,8 milliards d’euros selon Xerfi (prix consommateurs), dépensés par les femmes et de plus en plus par les hommes. Destinés à être stockés dans la salle de bains, ces différents cosmétiques cohabitent désormais avec ceux des discounters qui, tels Normal et Action – enseigne préférée des Français depuis 3 ans, devant Leroy Merlin –, vendent par lots les dentifrices, gels douche, déodorants et autres produits d’hygiène et de beauté…, qui doivent également être rangés et placés à portée de main…
Dans le réseau professionnel, l’âme de la salle de bains est culturellement la céramique sanitaire, fournie par les céramistes d’hier et les ensembliers d’aujourd’hui. Même si chacun sait que le meuble-vasque a remplacé le lavabo sur colonne, on en soigne d’abord le style et l’esthétique…, moins la praticité du point de vue du rangement et, surtout, la modularité. Quant aux étagères, casiers et autres compléments ajoutant au confort d’usage, ils sont laissés à la grande distribution – comme les accessoires de salle de bains dans les années 1990 – laquelle, bien sûr, s’en est emparé.
52 % du marché du meuble passe par la grande distribution
Une grande distribution qui, année après année, grignote le marché de la salle de bains. Selon l’Afisb [1], en 2024, les circuits grand public ont réalisé, en ligne ou pas, 42 % du chiffre d’affaires global du marché (prix fabricants HT), évalué à 2 115 millions d’euros, mais 52 % de celui du meuble de salle de bains (à comparer aux 48 % de celui de la robinetterie, réputée facile à vendre en ligne). Des chiffres préoccupants si l’on tient compte du fait que le meuble-vasque est l’une des deux clés d’entrée dans un projet de rénovation. Surtout quand, au côté de la GSB, se tient la grande distribution ameublement… Dont Ikea.
L’enseigne suédoise, qui a enregistré un chiffre d’affaires de 3,7 milliards d’euros en France en 2024, dont 27 % obtenus en ligne, annonce 57,8 millions de visites dans ses plus de quarante magasins et ateliers de conception et de conseils. En plus de son offre historique de modules de rangement à poser (dès 1972), elle propose trois collections de meubles de salle de bains différenciées par les styles (contemporain, campagne, rétro), comprenant vasque, sous-vasque, plans de toilette, armoires de toilette, colonnes…, avec, pour amorcer le projet, une approche d’industriel du meuble, c’est-à-dire axée sur le rangement et la modularité.
La notoriété, le conseil, la modularité des gammes
Selon une étude réalisée par l’Ipea [2], Ikea est l’enseigne la plus inspirante aux yeux de 42 % des Français qui s’intéressent au style de leur logement, devant Maisons du Monde (23 %), Conforama, But et Leroy Merlin (10 %). Mieux, 22 % des ménages ayant effectué des achats pour leur salle de bains au cours des trois dernières années en ont fait au moins un chez Ikea – contre moins de 18 % de ceux qui ont fait des achats pour la cuisine –, plus que chez Leroy Merlin (environ 20 %).
Avec ses neuf ateliers de conception et de conseils situés dans les centres-villes (Pau, La Rochelle, Paris, Saint-Etienne, Besançon, Toulouse…), Ikea se donne les moyens de ramener les internautes vers des points de vente physiques. Ces petites surfaces citadines (300 m² environ) abritent quelques box, des sélections de produits et des vendeurs formés à la conception 3D, disponibles sur rendez-vous pris en ligne. Et, pour les irréductibles du Web, l’accompagnement (aménagement ou conseil déco) est également proposé à distance, par visioconférence (79 euros le rendez-vous de 1h30 pour l’aménagement d’une pièce ou 49 euros pour des conseils déco d’une heure)…
Grâce à la multiplication des points de contact physiques autant que digitaux, Ikea est donc en mesure de (re)prendre en main le consommateur une fois le parcours d’achat entamé sur Internet. Et grâce aux nouveaux outils issus de l’IA (prises de cotes, configurateurs…), l’achat en ligne, comme en magasin d’ailleurs, est facilité. De plus, alors que sur les marketplaces le consommateur ne sait pas réellement à qui il achète, avec Ikea, non seulement il en est parfaitement conscient, mais il est rompu au concept : des gammes simples et efficaces, dont la modularité est facile à appréhender dans les trois dimensions, et des options en complément.
Le distributeur ameublement qui ose tout
Et l’installation ? Alors que plus en plus de professionnels acceptent de poser des produits achetés par les consommateurs, l’enseigne, qui ne manque ni de moyens ni de puissance de frappe, a montré qu’elle avait la capacité de concurrencer la filière professionnelle sur le second œuvre technique : ne propose-t-elle pas à ses clients particuliers des offres de pompe à chaleur en Suède (depuis 2022), ainsi qu’en Suisse, Allemagne, Espagne, Italie et, quoique plus timidement, en France [3] ?
Ikea – membre fondateur de la 50L Home Coalition – a fait de la réduction des consommations d’eau dans les foyers l’un de ses chevaux de bataille et travaille sur la douche à recyclage depuis plusieurs années. D’ailleurs, le distributeur, qui est aussi un industriel, a lancé au cours de cette année 2025 une gamme de produits destinés à en réduire la consommation (Bergvattnet), dont un compteur à poser sur le mitigeur de douche, mais aussi des accessoires de sécurité pour les personnes à mobilité réduite (Bäsingen). Quoi qu’on en pense, ces nouveautés lui permettent de gagner en légitimité sur le marché de la salle de bains. Autrement dit de se positionner, au-delà du mobilier et de la décoration, comme un multispécialiste de l’habitat. Avec lequel il va sans doute falloir compter…
[1] Afisb, association française des industries de la salle de bains.
[2] Etude réalisée en mars 2025 par l’Institut de la Maison (Ipea) auprès de 3 000 ménages français, dévoilée lors du colloque « Styles vs ambiances » qui s’est déroulé le 18 juin 2025.
[3] Source : Génie Climatique Magazine.
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Tres intéressant, merci pour le partage