A Paris, le musée des Arts décoratifs (MAD) met en scène les évolutions de L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux au travers d’une exposition. Les lieux de commodités, la toilette et la beauté comptant parmi ses thèmes fondamentaux, une sélection éclairante de peintures, photographies, objets d’art mais aussi du quotidien, remonte le temps du XVIIIe siècle à nos jours, où la frontière entre vie privée et vie publique s’estompe.
A l’heure où l’intimité s’exprime sur le territoire numérique au gré de publications personnelles qui sont autant de mises en scène narcissiques, l’exposition du MAD porte un regard rétrospectif sur ce qui relevait, il n’y a encore pas si longtemps, de la sphère privée. Pour le musée, l’événement, programmé jusqu’au printemps 2025, est aussi l’occasion de se demander « comment exposer les arts décoratifs et le design dans un déroulement narratif qui les extrait d’une simple contemplation pour leur permettre, à travers leurs usages et les signes qu’ils véhiculent, de nous éclairer sur les bouleversements actuels ? De quelle manière rendre compte des transformations rapides que nous vivons aujourd’hui, dans un quotidien chahuté où les frontières entre vie publique et vie privée deviennent floues et poreuses, où l’intimité s’expose plus que jamais, nous transformant en exhibitionnistes ou en voyeurs ? » [1]

Du bourdalou au WC lavant

En photo, ci dessus : Zanele Muholi, Bona, Charlottesville, Galerie Kvasnevski ©Courtesy of Galerie Carole Kvasnevski & Zanele Muholi ; Edgar Degas, Femme assise sur le bord d’une baignoire et s’épongeant le cou, 1880-1895 ©RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/Hervé Lewandowski ; Manufacture de Chantilly, Bourdaloue, XVIIIe siècle, porcelaine tendre. A l’intérieur, l’inscription « Ô si pudiera ver », traduisible par « si tu pouvais voir» ou « si tu pouvais jaillir », ©Les Arts Décoratifs/Jean Tholance.
Du bourdalou, ce réceptacle de faïence délicatement ouvragé que les dames plaçaient sous leurs jupes pour se soulager discrètement, y compris en public, au pisse-debout et autres urinoirs portables en plastique pensés pour les festivalières ou les randonneuses quand les toilettes (ou leur entretien) font défaut, l’innovation et les mentalités ont tracé leur chemin. Dissimulé sous une garniture amovible, le bidet destiné lui aussi à, l’origine, à l’hygiène féminine, a pour descendance un WC lavant high-tech désormais dégenré, représenté par l’un des derniers modèles de Toto.
En photo, ci dessous : vue partielle de l’une des salles de l’exposition. Au premier plan, un cabinet d’affaires en noyer, cuir et papier peint (vers 1770) et une chaise de commodité à décor polychrome aux singes astronomes, en faïence (1730), au second plan, trois cuvettes, de la Champion en porcelaine blanche ornée de rinceaux bleus de R.S.S. & Sons (1880-1900) au Washlet Neorest WX de Toto (2023). En parallèle : anonyme, bidet, XVIIIe siècle, en chêne, cuir et faïence ©Les Arts Décoratifs.

L’eau et la toilette sèche

En photo, ci dessus : vue partielle de l’une des salles de l’exposition. Au premier plan, Tony Robert-Fleury, Le Bain, 1903 ; Baignoire en zinc, fin XIXe-début XXe. Au second plan, table de toilette en bois, faïence de Sarreguemines et rotin, fin XIXe. En parallèle : Félix Rémond, coiffeuse de la duchesse de Berry, 1823, en bois, bronze, marbre et glace.
L’exposition s’intéresse aussi aux rituels de beauté, lesquels soulignent combien « la période récente ouvre à plus de diversité, d’inclusivité et de fluidité des genres, comme à un narcissisme décuplé. » Soumis à des effets de mode, comme le parfum, ils induisent une certaine uniformisation de l’apparence. De la boîte à mouche au poudrier tombé en désuétude « face à la tendance actuelle du naturel glowy », aux premiers bâtons de rouge à lèvres, vers 1870…
En photo, ci dessous : Miroir à main, 1824-1830, en nacre gravée, bronze doré, glace au mercure ©Les Arts Décoratif ; Jules Jean Cheret, affiche La Diaphane, Poudre de riz Sarah Bernhardt 32 avenue de l’Opéra Paris, 1891 ©Les Arts Décoratifs ; Erwin Blumenfeld, Study for an advertising photograph, 1948 (tirage de 1984), dye transfer ©Musée national d’Art moderne (MNAM)/©The Estate of Erwin Blumenfeld, 2024 ; publicité, Le Beau Mâle, Jean-Paul Gauthier ©MAM.
Du jet au jouir


En photo, ci dessus : pommeau de douche et masseur Wave, Womanizer, Hansgrohe (2023), appareil de massage vibratoire Pulsoconn, docteur Macaura (1904), Magic Wand HV-150 A, Hitachi (1971, édition 2023) ; vibromasseur Europe Magic Wand (2012, édition 2023).
Illustration en ouverture : visuel de l’affiche de l’exposition ©MAD.
[1] Catalogue de l’exposition, L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux, coédition musée des Arts décoratifs/Gallimard, octobre 2024. Extrait de la préface de Christine Macel, commissaire générale (directrice du musée des Arts décoratifs), et de Fulvio Irace, commissaire (historien du design et de l’architecture).
♦ Du 15 octobre 2024 au 30 mars 2025, exposition L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux, au Musée des Arts décoratifs (MAD), 107 rue de Rivoli (Paris, 1er).
















